Plus près du réel, plus loin dans l’imaginaire

Un dessin commence par un désir, presque une nécessité, de mettre sur le papier le monde que m’inspire un visage, une silhouette, un animal ou encore les objets et les lieux que je découvre lors de mes nombreux voyages à l’étranger. Je dessine au crayon de couleur et à l’encre, la précision que me permet la pointe de mon crayon ou celle de la plume de mes stylos tubulaires étant une des caractéristiques de mon travail. Il est en effet très important pour moi de rester au plus près de l’objet tel qu’il se présente et c’est pourquoi je travaille avec des photographies ou, lorsque c’est possible, avec l’objet que je dessine pour pouvoir le traquer dans ses moindres détails.

J’ai conscience de ce désir d’atteindre mon modèle dans son essence même, en l’embrassant dans sa totalité au lieu de me limiter à la face qu’il offre, en allant sous sa surface afin de dépasser la limite qui en trace les contours, en le projetant sur le papier dans l’avenir et le passé. D’où les recouvrements, les glissements, les transparences de surfaces en réalité opaques, la répétition de formes à différentes échelles ou la juxtaposition de différents angles de vue d’un même modèle. C’est de cette façon que j’aime représenter le corps humain, que je dessine toujours de l’intérieur, comme s’il m’était possible d’en saisir, sous la peau et les muscles, l’ossature qui le soutient.

Un dessin est aussi toute une histoire, faite de moments d’enthousiasme et de découragement. Je sais qu’elle sera longue et le savoir est source d’angoisse mais aussi de plaisir car j’ai compris depuis longtemps que le temps est avant tout un allié qui se donne volontiers.

Après les débuts euphoriques de la création vient une période difficile où je dois réfréner mon envie de passer à l’étape suivante avant d’avoir terminé l’esquisse, que je souhaite très élaborée et très précise. Lorsque celle-ci est prête commence le règne de la couleur, qui s’affirme face au trait comme une partenaire à part entière : elle oublie les contours, glisse entre les traits, évolue sur la feuille sans se soucier du sujet, s’appuyant sur l’esquisse tout en se libérant du cadre que celle-ci lui impose.

Achever un dessin est une joie, celle d’avoir mené à terme un projet de longue haleine, c’est aussi une douleur, celle de devoir mettre un terme à notre histoire commune et celle de constater que l’œuvre est toujours un peu différente de l’idée que je m’en étais faite mais l’accepter, c’est la laisser partir et vivre sa vie.

Mon inspiration a toujours été et je l’espère restera, inépuisable. Je ne me limite à aucun style ou type de représentation, j’aime autant dessiner des objets que des animaux ou des personnages. Je tiens à faire moi-même mes propres teintes, en superposant différentes couches de pigments colorés sur un papier très lisse avec mes crayons, ou en mélangeant goutte à goutte dans les cartouches de mes stylos les couleurs primaires.

Le dessin m’accompagne depuis toujours et est devenue une activité très importante pour moi à la fin de l’adolescence. Durant mes études et les débuts de ma vie professionnelle, qui n’avaient rien d’artistique, il occupait mes soirées, mes week-ends, mes vacances. Et puis, il y a maintenant bien longtemps, j’ai un jour pris la décision de passer tout mon temps avec lui et ce choix qui ne fut pas facile, je ne l’ai jamais regretté.